Statue de l'Abbé de Faria à Panaji (Goa). |
«Initié à la pratique du magnétisme animal en 1813 par Marie Jacques de Chastenet, marquis de Puységur, il dépasse rapidement son maître, dont il enrichit et affine les méthodes qu'il étend à la race humaine, et ouvre à Paris un cabinet de magnétiseur. La même année, il donne à Paris un cours sur le sommeil lucide dans lequel il critique la théorie du fluide magnétique de Franz Anton Mesmer. Son livre sur le magnétisme animal, De la cause du sommeil lucide, publié peu avant sa mort, commence par une épître à Chastenet de Puységur. Sa pratique de l'hypnose par suggestion lui amène une clientèle considérable, mais aussi une prompte réaction de discrédit de la part des conservateurs, qui le traitent de fou et de sorcier.
Il passe les dernières années de sa vie comme chapelain d'un couvent».
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l'intuition, en général, est une jouissance simultanée des fonctions semblables à celles des cinq sens et au delà, sans entraves d'aucune distance de temps ni de lieux. C'est dire qu'elle atteint toutes les propriétés qui sont accessibles à l'homme, et beaucoup d'autres qui lui sont inaccessibles, sans que le passé, l'avenir et l'éloignement, y mettent le moindre obstacle.
La lucidité em général, est une faculté d'apliquer conséquemment à un but les connaissances intuitives; et elle est à l'intuition ce que la raison est aux connaissances sensitives.
L'intuition, et conséquemment la lucidité ne son pas dans les époptes les mêmes que dans les pures esprits, independants de toute influence de la matière. Dans ceux-ci elles sont pures et infaillibles; dans ceux-lá elles sont mixtes et sujettes aux erreurs. Il est aisé de sentir que dans les époptes la spiritualité à laquelles elles appartiennent est soumise aux influences de la matière. Aussi chez eux l'intuition ne remplit ses fonctions que par l'intermédiaire des espèces, c'est-à-dire des images, de la même manière, à peu près que les sensations dans l'état naturel de l'homme; au lieu que dans les esprits, en raison de leur indépendance de toute matière, l'intuition tend à atteindre les objects soit intelectuels, soit matériels, d'une manière tout à fait différente de celle qui convient aux époptes. L'homme la sent seulement par sa raison, mais il est hors d'état de la concevoir par son intelligence.
La spiritualité, assujettie aux influences de la matière, n'est donc qu'un moyen de rapprocher du physique le surnaturel, comme nous l'approfondirons incessamment, pour mettre toute la netteté dans les termes qui expriment les idées. Elle jouit de tout ce qui convient à l'esprit, comme esprit, sans se dégager de ce qui convient à l'esprit enveloppé dans la matière et soumis à l'intermédiaire de sens. Ainsi l'épopte dévoile le passé, découvre à distance et prévoit l'avenir comme esprit, mais avec des espèces et non autrement comme homme.
C'est ce qui nous force d'introduire ici la distinction entre l'une et l'autre intuition. Nous appellerons intuition mixte celle qui convient aux époptes, et intuition pure celle qui convient aux esprits. Nous n'emploierons ces additions que précisément lorsqu'il faudra faire cette différence entre l'une et l'autre intuitions; autrement la simple énonciation d'intuition dans les époptes n'exprimera toujours que l'intuition mixte. Nous prévenons de même que la simple énonciation d'épopte n'exprimera qu'un épopte developpé para l'art; autrement il sera caractérisé avec l'addition de naturel ou d'occasionnel.
(…) Les différents états de l'âme humaine se réduisent à trois modifications marquées qui se ne confondent pas entre elles. Ce sont la modification intuitive-pure, la modification sensitive et la modification intuitive-mixte.
L'âme humaine étant par sa nature spirituelle et immortelle, elle doit nécessairement avoir, après sa séparation d'avec le corps, un état d'existence commune aux esprits. Voilá la modification intuitive-pure de l'âme humaine. Nous ne pouvons que conjecturer négativement cet état sans pouvoir dire ce qu'il est précisément dans sa nature et dans son exercise. Jouissant essentiellment d'une science infuse, elle sera alors exempte de toute erreur; néanmoins ses connaissances auront des bornes marquées par son rang dans l'ordre intellectuel, et sous une mesure dont est susceptible sa nature.
Nous savons de plus que cette substance intelligente devant être indépendante de tout intermédiaire des sens, ne pourra plus que former les idées des objects sensibles que'avec une exactitude qui réponde à la realité, et non par des espèces qui dérogent toujours à leur nature pas des additions ou des soustractions. Par là nous pouvons relever avec certitude l'absurdité de l'opinion de Socrate et de Platon sur la préexistence des âmes humaines avant les corps qu'elles informent ou qu'elles ont informés.
Platon, copie du portrait exécuté par Silanion pour l'Académie vers 370 av. J.-C., Centrale Montemartini.
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Un esprit doit essentiellemente avoir des intellections pures, non celles que les écoles attribuent à l'âme humaine pendant son union avec les corps, mais celles qu'exprime le mot; c'est-à-dire exemptes de tout espèce ou image. Cette manière de s'énoncer des écoles était plutôt une déclaration de ce qui convient à un pur esprit, qu'un développement de ce qui peut convenir à l'âme humaine, pendant son union avec le corps. L'âme humaine, chez l'homme naturel, n'a aucune idée qui n'y soit entrée médiatement ou immédiatement par les sens. Celles mêmes qui, comme infuses, se développent par son intuition mixte, sans être entrées par les sens, portent toujours les marques des idées sensibles. Les intellections pures sont donc tout à fait incompatibles avec l'âme humaine dans son état d'union avec le corps.
Mais un esprit qui a préexisté au corps qu'il informe, n'a dû former les idées que par des intellections pures. Il répugnait à sa nature d'en former par des espèces ou des images, étant exempt de toute influence de la matière. Qui peut empêcher que cet esprit ne forme les mèmes idées qui lui sont naturelles, par le moyen de la concentration, après son union à la matière, s'il a préexisté au corps qu'il informe? Etant donc vrai que l'âme humaine n'a aucune idée qui ne soit sensible, même de celles qui ne sont nullement entrées pas le sens, il est vrai que l'âme humaine n'a jamais pensé que par l'intermédiaire des sens, et que la décision de l'Église qui établit que l'âme humaine n'a commencé à exister qu'après le corps, ne repugne pas à la raison naturelle, dûment consultée.
(…) La modification sensitive de l'âme humaine est ce qui constitue l'état naturel de l'homme ou son état de sensations. Elles ne lui fournit les idées que par les sens, et ne lui convient que dans son état de veille. L'âme humaine, malgré toute sa science infuse et ses autres propriétés sublimes, n'en règle les actions que par les seules idées acquises para cette modification. Il est clair que des préjugés et des erreurs qui en sont aussi un partage indispensable y tiennent souvent pour elle le rang de vérités démontrées. Il n'y a que la rectitude de ses intentions qui puisse justifier ses écarts et ses égarements.
Il est aisé de concevoir maintenant que la différence de la somme d'idées chez les hommes ne dérive que de la différence de leurs travaux, et de leurs études et de leurs méditations, quoique l'âme soit également savante chez tous dans sa modification intuitive. Je dois même ajouter aussi que la différence de la somme d'idées derive de la différence de leurs complexions; parce que l'harmonie des solides et la pureté des fluides influent beaucoup sur la facilité de l'intelligence. Aussi deux enfants de différente complexion avec une égale application ne profitent jamais de même.
Si l'homme ne connaît que ce qu'il a acquis par les sens, il est clair qu'il doit ignorer tout ce qui se passe dans l'âme dans sa modification intuitive, quoique celle-ci puisse y savoir tout ce qui se passe dans l'homme. Je dis que l'âme peut le savoir, mais elle ne le sait toujours; parce que ne jouissant point de toute sa liberté interne, elle ne peut pas replier son attention sur toutes les actions singulières. Parfois même elle ne conserve aucune idée de celles d'entr'elles qui n'ont pas attiré l'attention sérieuse de l'homme. Toutefois elle peut par une réflexion profonde les atteindre toutes par la science infuse.
Lorsque des idées intuitives deviennent sensitives, ce qui arrive très souvent, par les pressensations, les pressentiments et les songes, eles n'influent sur l'homme que comme des chimères, ainsi que nous l'avons déjà observé plus haut.
D'après ces notions, il est aisé de voir que l'opinion de Locke, qui prétend que toutes les idées chez l'homme dérivent ou immédiatement ou médiatement des sens externes, et que celles de Descartes, qui enseigne qu'il en est chez lui qui sont innés, sont également fausses. Quoique nous ayons dit que l'âme n'a commencé à penser que par les espèces, c'est-à-dire d'une manière sensible, néanmoins il faut savoir que ces sensations sont indépendantes de toute impression externe, et que ces idées, quoique infuses, ne viennent jamais naturellement dans l'usage de la règle de la vie humaine.
(…) La mofification intuitive-mixte de l'âme est cet de sommeil lucide où l'homme, dégagé des sens, jouit des connaissances sublimes qu'il n'a jamais acquise par l'étude. C'est un développment de celle science infuse qui convient à tout esprit, mais qui n'est pas exempte d'erreurs en raison de l'influence de l'enveloppe sur cette substance merveilleuse. Cette intuition est de même nature que l'intution pure: elle n'en différe que dans le mode de représentation des objects. Elle en forme des idées par les espèces qui sont cause de ses erreurs: au lien que l'autre les forme toujours sans espèces et se rend infaillible.
On voit par là que c'est un état intermédiaire entre l'homme sensif et le pur esprit; parce qu'il participe des propriétés de l'un et de l'autre, et montre qu'un esprit qui dans sa pure nature appartient à l'ordre intellectuel, peut assi appartenir à l'ordre physique, étant assujetti aux influences de la matière. Cette intuition-mixte est ce moyen qui, dégagé de ses défauts et de ses imperfections, nous mène comme par la main, à connaître les propriétés de l'âme comme pur esprit, beaucoup plus solidement que tous les raisonnments plausibles des philosophes. Ceux-ci n'avaient vu dans l'homme que ce qu'ils voyaient en eux-mêmes; et l'observation nous démontre que dans les perceptions d'un autre genre que celles qu'il a dans son état sensitif, il récèle, sans nullement s'en douter, beaucoup plus de motifs de surprise et d'admiration qu'il n'en étale.
La barrière qui sépare l'état d'intuition mixte d'avec l'état de sensation n'est pas telle qu'elle ne puisse être franchie dans l'état de veille, sans tomber dans le sommeil lucide. Toute personne susceptible d'une profonde abstraction des sens, comme le sont les époptes et les cataleptiques, jouit de la faculté de passer à son gré de l'état sensif à l'état intuitif par la concentration, ainsi que nous l'avons déjà observé plus haut. Mais il faut dans ces tentatives, renoncer autant que faire se peut, à l'attention sur les sensations externes et sur les distractions internes.
Toutefois l'intuition qui résulte de cet effort n'est jamais aussi parfaite que celle qui se développe dans le sommeil; parce que l'abstraction des sens à laquelle elle est proportionnée, n'y est jamais aussi profonde que dans cet état de calme. C'est pour cette raison que nous avons dit que les idées intuitives ne passent jamais naturellement dans l'usage de la règle de la vie humaine; et lorsqu'elles influent sur l'état sensitif, eles n'y existent que comme une impulsion d'instinct, plutôt que comme des principes qui dirigent la conduite. Les idées sensitives passent plus facilement dans les idées intuitives lorsqu'elles se sont attiré une attention sérieuse de l'homme, et non autrement.
(…) Pour reprendre le cours de notre marche, nous finirons cette séance en donnant une idée précise de ce que c'est que l'ordre physique, ainsi que nous sommes engagé à le faire plus haut.
Le physique, dans sa signification étymologique et dans sa acception philosophique n'exprime que le naturel et non le sensible ou le matériel. Ainsi l'homme composé de deux substances, l'une matérielle et l'autre spirituelle, étant un être naturel, est une partie et une partie la plus noble de l'ordre physique. Il serait ridicule de dire que les parties n'appartiennent pas au même ordre auquel appartient leur tout. Aussi les métaphysiciens ont, dans tous les temps appelé influence physique, l'action de l'âme sur le corps dans leur commerce mutuel; c'est-à-dire influence réelle et naturelle, et non sensible et matérielle; et concours physique, l'action de la première cause pour la conservation de l'univers.
Si la philosophie a refondu dans la métaphysique la recherche de la nature de l'âme humaine c'est quelle l'a considerée, non comme une partie de l'homme, mais comme un esprit de l'ordre intellectuel: parce qu'il y appartient par sa nature, en même temps qu'il appartient aussi à l'ordre physique par sa condition. Cet ordre, qui est essentiellement susceptible de changement de formes et de dispositions, ne convient plus à un être simple, intelligente et indestructible. L'âme humaine, sous différents points de considération, est donc à la fois un être physique et surnaturel.
Lors donc qu'ont dit vulgairement que le physique agit sur le moral et le moral sur le physique, on abuse non seulement des mots, mais aussi des idées. Le moral significe ce qui appartient aux moeurs, et s'oppose à l'immoral: le sensible est ce qui est susceptible de tomber sous les sens, et le matériel ce qui est étendu et divisible; et l'un et l'autre s'opposent au spirituel et à l'intellectuel. Le physique signifie ce qui est naturel et s'oppose au surnaturel. Le moral, le physique el le métaphysique font une gradation et non une opposition. Ainsi l'on appelle certidude morale celle qu'il est dans les moeurs des hommes d'admettre comme une règle de conduite: certitude physique celle qui s'attache à la constance des lois de la nature: et enfin certitude metaphysique celle qui étant supérieure à la stabilité des lois de la nature, n'existe pas dans la nature et n'est accessible qu'à la seule conception.
Le moral, dans l'acception naturelle, a donc son degré au-dessous de celui du physique, et cellui-ci au-dessous du degré du metaphysique. Toutes les fois qu'on dit donc que le moral agit sur le physique, one ne fait rien moins que d'énoncer qu'il est quelque chose qui agit sur le corps et qui est au-dessous de la matière. Veut-on dire par là que l'âme humaine à qui fait allusion le mot moral, n'a même pas le mérite d'être au niveau de la matière? Je crois que ce sens n'est attaché au mot moral que par les efforts du philosophisme, pour élaguer du langage toute idée du spirituel. (in De la Cause du Sommeil Lucide ou Ètude de la Nature de l'Homme, Henri Jouve Éditeur. Réimpression de l'édition de 1819, Paris, 1906, pp. 45-54).
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